REVUE D’ÉGYPTE ● PARTIE II

REVUE D’ÉGYPTE ● PARTIE II

Ambiance de lecture recommandée

Isis de Hot Natured ft. The Egyptian Lover

Lors de la PARTIE I de notre revue d’Egypte, nous avons eu le point de vue d’Hassan, guide égyptologue, sur les questions de politique, de mariage et d’égalité femmes-hommes. Dans cette deuxième partie, je vous propose de rencontrer notamment Dahlia et Ibrahim, afin de découvrir certaines pratiques spirituelles et quotidiennes égyptiennes. Voici la :

PARTIE Ii ● HéRITAGE ANTIQUE, fable ET THé aux dattes

La température ne descend pas en-dessous de 28°, la sueur perle sur les fronts, une partie de la population ne boit ni ne mange toute la journée jusqu’à l’iftar, repas pris à l’heure du coucher du soleil : nous sommes en plein ramadan, mois de jeûne constitutif d’un des cinq piliers de l’islam. Tous les Egyptiens avec qui j’ai discuté, dont Dahlia, seule femme guide croisée sur mon chemin, m’ont fait part de leur fierté quant aux origines diverses de leur culture.

« Les trois livres sacrés »

D’abord, la religion des pharaons avec le Dieu Rê, dieu soleil, et ses divinités. Puis, la chrétienté et enfin l’islam. Hassan se dit « très fier d’avoir une culture qui mélange autant de peuples, autant de couleurs, autant de religions. L’Egypte est un des seuls pays dont il est fait mention dans les trois livres sacrés, que ce soit dans la Torah, le Coran ou la Bible. » Entre deux maillots de football et des cartes postales délavées, le vendeur de la boutique de souvenirs de l’hôtel, un catholique fervent, m’a également notifié de la forte présence des orthodoxes. « Pour nous, la religion d’Egypte antique est aussi très présente. »

Des divinités omniscientes cosmiques aux animaux sacrés, ces croyances millénaires ne sont pas que des découvertes archéologiques. Elles s’incarnent dans une vision du monde, de la vie et de la mort bien particulière. « Les anciens Egyptiens batissaient toute leur vie autour de la préparation à la mort. Ne faites pas pareil : vivez votre vie pour la vie, et pas pour la mort. » nous conseille Dahlia, alors que nous sommes en pleine contemplation de la dépouille momifiée du pharaon Akhénaton (-1371/1365 à -1338/1337), lors de cette visite expresse au Musée égyptien du Caire.

Dahlia la guide égyptologue musulmane (Croisière sur le Nil, Le Caire), le vendeur de souvenirs catholique (Hurgada), un chien errant (Gizeh) Anubis, dieu de la mort et de l’embaumement à tête de chacal, est considéré comme une incarnation divine des chiens sauvages.

« La raison du plus fort »

Nous avons également abordé la question de la colonisation. « Les Occidentaux ont tout pris et ont laissé un bordel monstre en Afrique. » Hassan ne manque pas de citer Jean de La Fontaine (1621-1695) à propos de la mentalité européenne. « La raison du plus fort est toujours la meilleure » (Le Loup et l’Agneau, 1668). Le poète moraliste est un de ses auteurs français favoris avec les philosophes Etienne de La Boétie (1530-1563) et Montaigne (1533-1572). Il a étudié la Littérature française à l’université.

Ce qui transparait le plus de ma conversation avec Hassan, à l’instant où je la retranscris, est une vision dégradée de l’Occident. Un renversement des paradigmes lorsqu’en France ou en Suisse on n’entend rarement parler du monde arabe sous des aspects mélioratifs. « Vous ne vous rendez pas compte à quel point vos médias vous manipulent. Ils ne vous montrent que ce qu’on veut bien vous montrer. » Si Hassan et moi avons quelques divergences d’opinions, là-dessus, on se rejoint : parfois, on ne voit que ce qu’on veut bien voir.

Egyptologie : touriste prenant la pose devant des vestiges antiques.Dromadaire devant des vestiges de Gizeh avec la ville du Caire en arrière-plan

Vestiges de Gizeh surplombant la ville du Caire, Gizeh

Quartiers de Gizeh jouxtant les pyramides et le Sphinx, Gizeh

« hospitalité egyptienne »

En revenant du test PCR obligatoire a effectuer avant de rentrer en Suisse, je me suis dit que j’allais me balader plutôt que de retourner lézarder sur la plage. Sur le kilomètre linéaire et bétonné qu’est Hurghada Promenade, il y a des magasins touristiques aux devantures affadies, autant de traces du marketing dépassé des années 90. De l’autre côté, le contraste est saisissant. Il s’agit d’hôtels clinquants où séjournent Suisses, Russes et Allemands pour la majorité, de la vodka dès dix heure du matin et des heures à se noircir l’épiderme au soleil. Des séjours all inclusive* avec des « balcons vue sur la mer » font face aux boutiques avec vue sur le désert économique. Il suffirait pourtant de traverser la rue.

« Bonjour ! D’où venez-vous ? ». Au Douglas Palace, les flacons d’huiles aux allures orientales embaument l’air. Le jeune homme qui m’y a attirée à force de sourires et de familiarités me fait asseoir avec un carnet et un stylo. Pendant qu’un thé à la datte m’est servi – « hospitalité égyptienne » oblige – et qu’une cigarette m’est proposée, un monsieur en tunique blanche et barbe assortie, assis dans un coin de la banquette de velours rouge, m’accueille avec un « c’est la démocratie ici ». Observant le ramadan comme la plupart des personnes qui bichonnent les touristes, il lui faut attendre que le soleil descende pour boire, manger et fumer. Règle qui ne s’applique pas pour les invités non musulmans. Le thé pourpre et brullant emplit ma trachée et réveille mon organisme assoupit par la chaleur. La datte, m’explique Ibrahim, le baba* en blanc, « est un fruit très important », tant pour son côté hyper énergisant que superstitieux. « Manger trois dattes le matin éloigne le seiten* en créant une aura de protection ».

Je suis censée écrire sur le carnet des noms de parfums populaires en Europe, ce que je finis tant bien que mal et distraitement par faire, après 2h de discussions. Mon ventre est rempli de dattes, ma langue est rouge de thé et ma tête bouillonne sous les pensées, a moins que ce ne soit la chaleur, ou les deux. Pour la première fois depuis le début de mon voyage, j’ai l’impression d’être à la maison ●

Thé aux dattes, coquilles de dattes asséchées, dattes dans un sac de jute, flacons de parfums, Douglas Palace, Hurgada

LEXIQUE : *All inclusive : signifie « tout compris » en anglais / *Baba : signifie « papa » en arabe / *Seiten : « diable » en arabe

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