couleur CaramElle

아몬드, 2017, traduit du coréen à l’anglais par Sandy Joosun LEE, 2021 pour l’édition HarpersCollins

« The brain grows. (…) If you use it for bad, you’ll grow a bad brain, but if you use it for good, you’ll have a good brain. »

● Yunjae n’aime ni ne déteste les amandes, il n’apprécie ni ne haït sa mère. Il ne pourrait même pas dire quel est son plat préféré. À l’école, ses relations sociales sont tendues, pour les autres surtout. Yunjae est très simple pourtant : il ne ressent aucune émotion. Ni la peur qui lui permettrait d’échapper à ses petits camarades tortionnaires, ni la peine qui lui permettrait de réconforter sa mère, grande pleureuse. Désespérée mais mère avant tout, entre deux larmes, elle met au point un système pour que son enfant développe, un jour, la capacité d’avoir de la peine, d’avoir peur et, surtout, d’aimer.

Ce dont est atteint Yunjae, il ne peut, par définition, en souffrir. Le centre de ses émotions, représenté par les amygdales, deux petites régions en amandes situées au niveau des lobes frontaux de notre cerveau, seraient sous-développées.

« L’alexithymie désigne littéralement (…) l’absence de verbalisation des émotions (a : sans, lexis : mots, thymie : affectivité, humeur, émotions).¹ »

L’histoire est initiatique, simple et pourtant parvient à saisir en quelques pages une partie complexe du passage de l’enfance à l’adolescence. À travers le regard sans émotion de Yunjae dont le nom n’est prononcé qu’une seule fois, se déroulent des drames qui le feront, évidemment, considérablement changer. Les violences dépeintes sont autant de tableaux glauques que l’on observe comme si on était au musée. D’un canevas en noir en blanc, des petites touches de couleurs sont apportées au fur et à mesure de la lecture pour finir par se fondre en une œuvre polychrome douce et légère.

Si, pour sa mère, les émotions sont à la portée de Yunjae, ce roman est à la portée de toutes et de tous. On se replonge avec bienveillance dans ce moment charnier qu’est l’adolescence. Hiver, printemps, été, automne, hiver. Le temps d’un cycle météorologique, Almond nous porte telle une brise au travers l’une des saisons de l’être humain.

À apprécier dans sa beauté simple et nuancée, avec ou sans amandes ●

¹ Jean-Louis PEDINIELLI, « L’alexithymie : interaction entre cognition et émotions », Bulletin de psychologie, 1986